Madame Caroline Jobin – directrice de l’EMS les Grèves du Lac – Gletterens
témoigne sur son retour d’expérience après la Formation à la Méthode Montessori
07/02/2013
URIOPSS PACA/CORSE – Retour sur la journée du vendredi 1er février 2013
L’approche Montessori adaptée aux personnes âgées. Une nouvelle vision pour un accompagnement au domicile et en institution.
Plus de 150 professionnels para médicaux et travailleurs sociaux (animateur, aide soignant, infirmier, orthophoniste, médecin, …) intervenant auprès des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs sévères ont participé à la journée d’étude de l’Uriopss le vendredi 1er février, accueilli par le Centre gérontologique départemental (13) – Marseille.
L’Uriopss a souhaité proposer cette journée autour de l’approche Montessori pour plusieurs raisons : elle peut constituer une réponse à la difficulté d’intervention des professionnels auprès de personnes âgées souffrant de troubles cognitifs. Elle représente également une issue au nihilisme thérapeutique, de nombreuses fois évoquées lors de cette journée : la personne souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés peut évoluer positivement, ses proches, ses aidants peuvent alors trouver un nouveau rôle. Ce sont les prémisses d’un autre accompagnement qui se dessinent, centrés sur l’idée de changer de regard.
Méthode d’origine à visée pédagogique, elle est basée sur l’observation fine de la personne et pose quelques principes importants :
- laisser à la personne du choix et ainsi lui permettre de s’engager dans l’action
- aider la personne à faire seule
- adapter l’environnement (le « routiniser »)
- permettre ainsi à la personne d’avoir un rôle
Ces principes adaptés à l’intervention auprès des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs sont ainsi centrés sur la notion de capacités préservées, l’épanouissement de la personne dans des activités qui lui conviennent, permettre à la personne de retrouver un rôle social dans sa communauté.
L’intervention de Jérôme Erkes de AG&D, seule structure en Europe francophone à proposer l’approche Montessori adaptée aux personnes âgées souffrant de troubles cognitifs suivant les apports du neuropsychologue américain Cameron Camp a permis aux participants de réfléchir sur le sens de la notion d’activité, au sens d’activité sociale, sur les différents façons possibles de les mettre en œuvre (selon qu’il s’agisse d’activités de la vie quotidienne, d’activité de loisirs ou d’activités sensorielles). Les activités ont des conséquences importantes sur la vie de ces personnes, on citera par exemple les conséquences sur les comportements, sur le sommeil ou encore la santé mentale.
Dans l’approche Montessori, l’activité est un enjeu crucial. Comment faire alors dans le cadre d’une intervention à domicile ou dans un Ehpad disposant d’un animateur sur un temps réduit ?
C’est à une autre façon de penser l’accompagnement de ces personnes que nous amène cette approche qui nous engage par exemple à ne pas solliciter en permanence ce qui ne fonctionne pas chez la personne, mais plutôt à solliciter les capacités préservées, à susciter des émotions positives.
La journée a permis d’explorer quelques activités proposables à des personnes à domicile ou en institution avec toujours l’objectif de travailler sur l’engagement de la personne. Pour y parvenir, le projet de vie est un outil particulièrement pertinent en ce qu’il permet de connaître mieux la personne (métier, activités, domaines experts notamment). Ce support de travail peut en permanence être complété par des observations de terrain et ce par tous les professionnels intervenant auprès de la personne.
La vision d’un accompagnement fondé sur ces principes d’intervention nous ouvre la possibilité d’envisager un Ehpad du futur, basé sur un modèle communautaire où chacun aurait une place propre. Les personnes ne seraient plus appréhendées selon leur état mais comme des individus avec des capacités. Notons également que cette approche a toute sa pertinence dans la transmission aux familles qui peuvent s’en faire un allié dans la construction d’une relation avec leur proche.
L’Uriopss est particulièrement intéressée par cette approche tant par ses fondements théoriques que sa mise en œuvre et se propose donc de poursuivre cette réflexion afin d’outiller les professionnels du secteur intervenant auprès des personnes âgées et au-delà car des ponts sont à construire sur la base de cette méthode s’adressant en premier lieu aux enfants qualifiés d’handicapés à l’époque de Maria Montessori puis adaptée comme méthode pédagogique dans des écoles.
Valentine Drieux, Conseillère technique en charge des secteurs
personnes âgées, personnes handicapées, aide à domicile, évaluation
Marseille le 7 février 2013
L’unité Alzheimer du CHRU de Montpellier propose à ses patients de se réengager dans des activités signifiantes. Une démarche bénéfique.
14/12/2012
Il a ému, fait rire et chanter les pensionnaires de la maison de retraite les Etangs à Mennecy. Mercredi, le professeur américain Cameron Camp s’est transformé en showman, pour le plus grand plaisir du personnel et des résidants. Ce chercheur du Myers Research Institute dans l’Ohio aux Etats-Unis, est venu se rendre compte des bienfaits de ses instructions.
Marié à une enseignante Montessori — une pédagogie fondée sur l’adaptation des enseignants aux capacités des enfants —, il s’est dit que cette méthode pouvait aussi bien fonctionner pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Une application qui a déjà fait ses preuves outre-Atlantique et se développe de plus en plus en France.
Le bien-être prime sur les médicaments
Aux Etangs, « tout le personnel a été formé pendant quatre mois à la méthode Montessori, souligne la directrice Bernadette Forest. Vraiment tous : les soignants, mais aussi les employés administratifs, les techniciens, le service restauration… » Une nouvelle prise en charge qui s’éloigne des approches médicamenteuses. Par des gestes, une discussion qui semble banale, on s’appuie sur ce que le résidant sait encore faire, les souvenirs qui lui tiennent à cœur.
« La méthode Montessori, ce sont de petits riens qui n’ont pas l’air de grand-chose mais provoquent de grands bouleversements », témoigne le personnel des Etangs, si ému de rencontrer le professeur qu’il préfère que la directrice lise leurs messages plutôt que de s’exprimer directement. Et Bernadette Forest se réjouit : « Cela marche. A Mennecy, nous avons des personnes qui parviennent de nouveau à se laver elles-mêmes, des hommes ont réappris à se raser, d’autres à manger seuls, et c’est une énorme victoire. » La meilleure preuve? Cette résidante, qui confie à Cameron Camp que les Etangs, « c’est une belle maison, où on se sent bien et où on est bien traité »;
Une réussite qui a ravi le professeur, déjà charmé par le site. « On se sent ici comme à la maison, se félicite-t-il, accompagné de son traducteur, Jérôme Erkes, neuropsychologue en charge de l’introduction de la méthode Montessori en France via la société AG & D, qui forme les personnels de maison de retraite. C’est exactement ce qu’il faut. Les personnes âgées perdent souvent leurs repères et n’attendent qu’une chose : rentrer chez elles. Ici, elles ont des espaces qu’elles s’approprient réellement, on recrée une communauté et en même temps de l’intimité. Je suis très touché de voir l’implication du personnel et l’effet que cela procure aux résidants. » Sa visite se termine dans une ambiance très festive. Il donne même de la voix pour accompagner les pensionnaires reprenant « Champs-Elysées » de Joe Dassin ou encore « Mon amant de Saint-Jean ». « On réalise des miracles à Mennecy », conclut Cameron Camp.
Approches non-médicamenteuses
La méthode Montessori ou le début d’une révolution culturelle
Il y a un an, Médica mettait en place la méthode Montessori dans ses établissements : observation, langage non-verbal, changement de regard… Résultats ? Des soins apaisés, des potentiels valorisés.
« Tous les professionnels disent que la personne est au centre de l’approche. Concrètement, face aux troubles comportementaux dérangeants, nous jugeons souvent par rapport à « notre » normalité ». Pour sortir de cette contradiction, le Docteur Didier Armaingaud, directeur médical du groupe Médica, mise depuis un an sur la méthode Montessori. Une méthode qui s’appuie sur la communication non-verbale et valorise les capacités persistantes de l’adulte âgé désorienté.
Après un an de pratique, le Docteur Armaingaud tire un bilan plus que positif. » Les équipes * ont retrouvé une fonction d’observation, laquelle à la base de nos métiers, commence-t-il. Désormais, plutôt que de compenser la perte d’autonomie en » faisant à la place de « , nous regardons ce que la personne est encore capable de faire. » Avec en conséquence une remise en question des pratiques : la communication non-verbale reprend ses droits, les solutions se personnalisent d’un résident à l’autre.
En changeant de regard sur la personne, on change de regard sur son comportement. » Les troubles comportementaux ne sont pas une fatalité, ils ont une origine, s’exclame le Docteur Armaingaud. Cette approche est une véritable révolution culturelle ! » Et de citer cette dame très agressive lors de la toilette. Formés à Montessori, les soignants cherchent à comprendre. Ils rencontrent la famille, découvrent que la résidente vivait avec sa soeur. Une soeur présente à tout moment, dont celui de la toilette… Les soignants décorent alors la salle de bain avec des photos de la soeur et entament la conversation sur le sujet. Depuis la toilette est apaisée…
Outil de bien-être du résidant, réponse à l’épuisement des équipes, la méthode pourrait aussi aider les familles. » Les établissements proposent en soirée aux familles une conférence animée par la formatrice sur la méthode Montessori « , conclut le docteur Armaingaud. Nouveau changement de regard en vue !
La méthode Montessori
La méthode Montessori a été élaborée au début des années 1900 par la première femme médecin italienne, Maria Montessori. Destinée à l’origine aux enfants, la pédagogie repose sur l’éducation sensorielle. Pour Maria Montessori :
- toute personne a une aptitude et une capacité innées à apprendre,
- les représentations de ce qu’elle n’est pas, ou n’est plus, capable de faire, entravent son autonomie.
La méthode Montessori a été adaptée aux adultes âgés atteints de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés par le neuropsychologue américain Cameron Camp. Depuis une douzaine d’années, elle est utilisée aux Etats-Unis auprès des personnes âgées désorientées.
* Les équipes – animatrice, médecin coordonnateur, infirmière, auxiliaire de vie… – ont bénéficié d’une formation de deux jours.
Retrouver la mémoire des gestes
LE MONDE | 20.08.2012 à 11h33
Par Pascale Santi
« Un jour, j’ai sorti la palette, Micheline a pris le pinceau, et les gestes sont revenus », raconte Nathalie Lemaistre, aide médico-psychologique (AMP) aux Jardins de Séréna, Ehpad (établissement pour personnes âgées dépendantes, maison de retraite médicalisée) du groupe Medica situé à Champcueil (Essonne). Agée de 84 ans, la vieille dame n’avait pas peint depuis environ quinze ans. Sa fille pensait qu’elle n’y arriverait plus. Nathalie Lemaistre applique les principes de la méthode Montessori, utilisée depuis mai 2010 dans cet Ehpad, qui compte 94 résidents, dont 26 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Fondée en 1896 par Maria Montessori (1870-1952), première femme médecin en Italie, cette pédagogie, conçue à l’origine pour des enfants, repose sur leur observation, sur leur éducation sensorielle et leur épanouissement par l’activité qu’ils accomplissent eux-mêmes. Il y a une dizaine d’années, le neuropsychologue américain Cameron Camp, père d’un enfant handicapé, a eu l’idée d’adapter cette méthode aux personnes âgées désorientées. « Notre modèle d’établissement pour personnes âgées est celui d’un village où vos voisins prennent soin de vous, plutôt qu’un modèle comme un hôpital ou un hôtel », explique Cameron Camp.
Bien souvent, s’occuper de personnes dépendantes, qui, pour certaines, ne parlent plus, se limite à faire leur toilette et à leur donner à manger. Cela peutconduire, pour les soignants, à un sentiment d’épuisement et d’impuissance.
En choisissant la méthode Montessori, les Jardins de Serena ont voulu motiverleurs employés et agir pour le bien-être des résidents. Le personnel, une cinquantaine de personnes, a été formé. L’homme d’entretien Maurice Dubois a souhaité participer aussi. Quelque 80 établissements du groupe Medica ont opté pour cette démarche, le déploiement devant concerner à terme la totalité des Ephad du groupe.
DES AUTOMATISMES QUI FONT APPEL À LA MÉMOIRE ANCIENNE
Le but : recueillir un maximum d’informations concernant les habitudes du patient, son passé, notamment auprès des familles. Le postulat : « Ces personnes ont des compétences, elles peuvent encore faire des choses, utiliser des sens qu’on ne met par forcément en valeur quotidiennement », souligne le docteur Didier Armaingaud, directeur médical de Medica France.
L’idée est de réactiver des automatismes qui font appel à la mémoire ancienne, afin de ne plus mettre en échec la personne, affaiblie par les troubles cognitifs qui pèsent sur les gestes du quotidien. Ce matin-là, un homme a pu faire sa toilette lui-même. « Pendant le repas, on lance le geste et souvent, ils mangent tout seul, constate Jessica Marquis, AMP, on réveille cette mémoire des gestes qui, elle, est préservée. » « On recherche le langage gestuel, en étant dans le ressenti, dans les échanges humains », explique le docteur Christophe Dekindt, médecin coordonateur aux Jardins de Serena.
Quand Jean-Luc est arrivé en juin 2010, il pleurait tout le temps et répétait, inlassablement, « c’est foutu ». Il était en demande d’affection, se souviennent les aides médico-psychologiques. Cet ancien professeur d’université de 76 ans, que sa femme dénigrait sans cesse, a retrouvé les contacts humains qui lui manquaient tant. « Il va vers les autres. Il rayonne », relate Nathalie Lemaistre.
A Champcueil, ballons, coussins en mousse, etc., sont posés çà et là pour que les résidents puissent les manipuler. Pour certains, désorientés, des photos personnelles sont sur la porte de leur chambre. L’un a choisi une photo de son chien, qui vient parfois lui « rendre visite ».
Certains déambulent, veulent bouger des meubles et « c’est souvent en les observant que l’on trouve des solutions », constate Patricia Garnier, directrice des Jardins de Serena. Tout est de plain-pied. Un vaste jardin permet de sortir, des chemins y ont été dessinés. Les résidents ramassent les fruits, les plantes aromatiques et un potager est à l’étude.
La sphère sensible s’exprime d’autant plus que les fonctions cognitives sont affectées. Du coup, un travail est fait sur les odeurs, en fonction des endroits et des moments de la journée. Telle aile du bâtiment est parfumée à la lavande, l’autre au romarin. « On envisage de propager des odeurs de café et de pain grillé le matin, et de nourriture au moment du déjeuner », explique Jessica Marquis.
AMÉLIORATION DE L’ESTIME DE SOI
Cette approche Montessori permet aussi d’instaurer une autre forme de communication avec les familles, pour lesquelles cette maladie est souvent un traumatisme. « Ce n’est plus la même personne », « on a perdu nos proches » sont des phrases qu’on entend fréquemment, explique Aurélia Rochedreux, psychologue aux Jardins de Serena.
Pour l’instant, il n’y a pas d’évaluation scientifique de cette méthode. Mais on constate moins d’agressivité de la part des patients. « Le turnover des soignants est passé de 75 % à 25 % au Canada grâce à cette méthode », selon Cameron Camp. Sans avoir de données chiffrées, les établissements qui l’appliquent ont réduit de manière significative le niveau des médicaments.
« Nous devons trouver des moyens pour arrêter d’avoir autant de contention chimique, qui consiste à réduire la mobilité du patient en lui administrant des médicaments de type sédatif (tranquillisant, antipsychotique, antidépresseur). D’autant que certains médicaments ferment la sphère émotionnelle », souligne le docteur Dekindt.
La méthode Montessori « est un apport supplémentaire, une sorte de reconnaissance », constate l’équipe de Champcueil. Cela permet de changer la vision sur le métier. Car « le regard extérieur sur les maisons de retraite n’est pas très positif », estime le docteur Armaingaud. Cette méthode n’est peut-être qu’une parenthèse enchantée, mais elle renforce l’estime de soi des résidents. C’est déjà beaucoup.
Pascale Santi
La résidence Hector-d’Ossun, engagée depuis plusieurs années dans l’accompagnement des malades d’Alzheimer, a organisé en 2011 plusieurs sessions de formation de son équipe à la méthode Montessori. Elle en proposait dernièrement la présentation.
Elaborée vers 1900 pour les enfants par la psychiatre italienne Maria Montessori et adaptée aux USA pour les adultes désorientés, elle a été récemment introduite en France dans les maisons de retraite pour aider les résidents présentant des troubles cognitifs. But : aider la personne désorientée à réapprendre les gestes de la vie quotidienne et se faire comprendre, retrouver ainsi une autonomie dans les actes simples de la vie, lui rendre sa dignité, une estime de lui-même. Son objectif thérapeutique, non médicamenteux, consiste à diminuer les troubles en apportant des solutions avec un environnement et des activités adaptées à chaque personne, en s’appuyant sur ce qui demeure. La méthode apprend à l’équipe à observer les habitudes de vie de chacun, sa gestuelle, par l’interprétation des troubles du comportement ou de la communication non verbale. Puis elle proposera de manière individuelle des activités, ayant du sens, en lien avec son projet de vie. Le soignant, l’animatrice se positionnent alors comme des facilitateurs qui aideront la personne âgée à faire seule.
Montessori, de l’école à la maison de retraite
Maison de retraite Mapi à Bondy (95). Dans le salon de coiffure transformé en salle de réunion, une douzaine de professionnels -médecins, infirmiers, aides soignants, aide médico-psychologiques- découvrent la démarche de Maria Montessori. Quel rapport entre la grande pédagogue italienne de la première partie du 20e siècle et leurs tâches quotidiennes auprès
de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ? Réponse : Son regard neuf sur la personne humaine permet d’immenses progrès dans l’apprentissage de l’autonomie et dans l’estime de soi. Qu’on soit un enfant ou un adulte âgé.
« Maria Montessori, qui était médecin psychiatre, partait de l’observation des besoins et des ressources de chacun, considéré comme un être unique, En se centrant sur leurs aptitudes plutôt que sur leurs déficits, elle est parvenue à sortir de la passivité des enfants handicapés mentaux. Elle a su créer du matériel et un environnement adaptés à leurs capacités. Elle a réussi là où tout le monde avait baissé les bras.»
L’idée d’appliquer cette démarche avec des adultes désorientés a germé il y a une douzaine d’années à Cleveland, dans le centre de recherche du professeur Cameron Camp, neuropsychologue. Père d’un enfant handicapé, il s’est intéressé à ce qui pouvait faciliter ses apprentissages. Il s’est aperçu que les découvertes de Maria Montessori fonctionnaient tout
aussi bien avec les patients de la maison de retraite voisine qu’avec son enfant. « Il s’agit tout simplement de faire preuve d’observation, de bon sens et d’imagination »,AG&D (Accompagnement en gérontologie et développement), l’organisme à l’origine de l’introduction toute récente en France de cette méthode originale.
Comme avec les enfants, on commence par observer la personne : quelles sont les capacités qui lui restent sur le plan social, pratique, moteur et cognitif ? Pour répondre à cette question, il faut parfois faire preuve de beaucoup d’attention et interpréter des comportements qu’on pourrait croire insensés. « Tous les soirs sur le coup de 18H, Madame D. déambulait, très agitée dans les couloirs, raconte Françoise Leblanc au personnel de la résidence de Bondy.
En s’intéressant à son histoire, l’équipe de soignants formés à la méthode a découvert que cette femme avait consacré sa vie à sa famille. 18H, c’est l’heure où elle s’activait pour préparer son dîner dans les années 1960. L’agitation de Madame D. exprimait peut-être le besoin, inscrit au plus profond d’elle-même, de faire son devoir pour les siens. Pour vérifier l’hypothèse, on lui a proposé de mettre la table ». Madame D. ne savait plus comment s’y prendre. Comment l’aider ? Quelqu’un a eu l’idée de dessiner sur des sets de table les contours stylisés de l’assiette, du verre, des couverts pour qu’elle se repère. Depuis, cette
patiente met le couvert le soir et a retrouvé de la sérénité. Un exemple qui résume bien la démarche : observation, détection des capacités restantes, adaptation de l’environnement pour que la personne réussisse ce qu’elle entreprend.
« Cette formation peut changer notre manière de travailler, estime Magda, aide médico-psychologique à la résidence Mapi de Bondy. Nous pouvons inventer nos propres outils et solutions à partir de ce que nous constatons. C’est très motivant de savoir qu’on peut toujours faire quelque chose en s’appuyant sur les ressources de la personne. »
Selon Maria Montessori, l’un des besoins fondamentaux de l’être humain est de se sentir actif, d’avoir un rôle social qui permet de cultiver l’estime de soi et un sentiment d’existence. « Nous avons tendance à nous focaliser sur les pertes, les déficits, estime Didier Armaingaud, gériatre et directeur médical de Médica France, groupe d’établissements pour personnes dépendantes, qui forme actuellement l’ensemble de son personnel à cette méthode.
L’approche Montessori s’attache au contraire à ce qui est encore possible. Pour le patient, retrouver l’usage de gestes simples est très valorisant. Quant à ceux qui l’accompagnent – les professionnels et la famille – ils sortent enfin de ce sentiment d’impuissance qui est le plus destructeur dans cette maladie ».
Dominique Fonlupt
AG&D (Accompagnement en Gériatrie et Développement) est actuellement le seul organisme à diffuser la méthode Montessori adaptée aux personnes désorientées auprès des professionnels. Il organise également des conférences ouvertes aux familles et au grand public. Dates sur le site www.ag-d.fr
Un livre : Alzheimer et la communication non verbale, par Cécile Delamarre. Préface de Didier Armaingaud de Medica France. Ce livre décrypte gestes et attitudes attestant que la personne aussi loin qu’elle soit dans sa maladie est bien présente au monde avec le désir de communiquer avec son entourage.
Elaborée à l’origine pour les enfants au début des années 1900 par la psychiatre italienne Maria Montessori, la méthode qui porte son nom, a été adaptée aux adultes âgés atteints de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés, par le neuropsychologue américain Cameron Camp. Aux Etats-Unis ainsi que dans d’autres pays, la méthode est utilisée auprès des personnes âgées désorientées depuis une douzaine d’années.
Pour la première fois en France, la méthode Montessori adaptée aux personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer, est introduite à grande échelle. MEDICA, l’un des grands acteurs de la dépendance en France, a décidé d’intégrer la méthode Montessori au sein de l’ensemble de ses maisons de retraite en France, pour aider les résidants qui ont des troubles cognitifs à réapprendre les gestes de la vie quotidienne, à se faire comprendre…
« Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles méthodes d’accompagnement thérapeutique non-médicamenteuses pour améliorer la qualité de vie et l’autonomie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. La méthode Montessori valorise les capacités persistantes de l’adulte âgé désorienté et contourne les défaillances liées à la perte de la mémoire. Son approche est positive. C’est ce qui nous a séduit et la raison pour laquelle nous avons souhaité l’intégrer au sein de nos structures« , relate le Dr Didier Armaingaud, directeur médical et qualité du groupe.
Une méthode qui valorise les capacités persistantes de la personne âgée désorientée
Selon cette méthode, la personne âgée désorientée n’est jamais mise en échec. L’approche est très positive. Elle consiste à solliciter les capacités persistantes de la personne âgée désorientée, au niveau social, moteur, cognitif, émotionnel, à stimuler la mémoire des savoir-faire gestuels ritualisés de la vie quotidienne (faire sa toilette, s’habiller, se nourrir…) pour réactiver des automatismes qui font appel à la mémoire ancienne et qui ne sont pas très loin.
« On s’appui sur ce qui demeure. »
Le fondement de Montessori, c’est aider la personne âgée désorientée à retrouver une autonomie dans les actes simples de la vie quotidienne, à lui rendre sa dignité, une estime d’elle-même. L’objectif thérapeutique de Montessori consiste à diminuer les troubles cognitifs en apportant des solutions avec un environnement et des activités adaptées à chaque personne.
Par ailleurs, la méthode apprend aux équipes pluridisciplinaires (l’animatrice, le médecin coordonnateur, l’infirmière, l’auxiliaire de vie…) à observer les habitudes de vie du résidant, ses habitudes gestuelles, à changer son regard pour une meilleure interprétation des troubles du comportement, de la communication non verbale. Ainsi l’ensemble de l’équipe va proposer de manière individuelle à chaque résidant des activités qui ont du sens, en lien avec son projet de vie individualisé (son chemin de vie, ses goûts passés et actuels). Le soignant, l’animatrice de la résidence se positionnent comme des facilitateurs qui vont aider la personne âgée à faire seule.
La pédagogie Montessori fonctionne bien dans la répétition et travaille beaucoup sur l’environnement et sa lisibilité, par exemple écrire à la bonne dimension dans le bon code couleur. Autre exemple : la carte mentale de la personne âgée désorientée ne permet pas de savoir ce qu’il y a derrière une porte. Pour éviter un trouble cognitif, Montessori préconise une porte vitrée. De la même manière, pour les portes de placard à vêtements, la personne âgée trouvera ainsi plus facilement ses vêtements pour s’habiller seule.
Une phase test concluante en 2010 au sein de quatre EHPAD du groupe Medica
Les équipes de quatre EHPAD du groupe ont bénéficié en 2010, de la formation à la méthode Montessori dispensée par la société AG&D, organisme de formation habilité en France : « le Doyenné du Ranzay » (Nantes), « l’Aubergerie du 3ème âge » (Quincy-sous-Senart), « le Doyenné de Vencay » (Saint Avertin) et la résidence « Les Aurélias » (Pollionnay).
Des effets bénéfiques de la méthode ont été constatés auprès des résidants.
Le développement de la méthode Monterrori au sein des EHPAD Medica
Les personnels soignants et d’encadrement de l’ensemble des EHPAD du groupe en France sont actuellement en formation. La formation est dispensée, à raison de deux jours par équipe d’une douzaine de personnes sur chaque établissement, et d’une journée supplémentaire pour le ou les référents Montessori de l’établissement.
Cette journée de formation non prévue initialement vient compléter le dispositif afin de répondre aux équipes sur les freins rencontrés, de relayer les questionnements, d’assurer un suivi et un partage d’expérience.
Des conférences pour les familles
Les spécificités de la méthode Montessori adaptée aux personnes désorientées, sa mise en pratique, les bienfaits observés auprès des résidants, seront présentés lors de conférences aux familles ainsi qu’aux professionnels de santé libéraux amenés à intervenir régulièrement sur les établissements.