Je suis Aide-soignant en service de suppléance d’un centre hospitalier. Je viens de recevoir mon affectation pour deux matinées, ce sera en service de médecine.
Je commence mon tour de toilette, il est 7h00. Vers 10h j’arrive dans une chambre où se trouve un monsieur. Je me souviens que pendant dans la relève on m’a dit : » c’est un Alzheimer qui ne parle pas, ne communique pas. Incontinent. C’est une toilette complète au lit. Il est agité +++ (répand régulièrement ses selles sur le mur), il y a risque de fugue, donc contention au lit et au fauteuil ».
J’entre donc dans la chambre, je dis à ce monsieur : « Bonjour », je vais dans la salle de bain prépare tout le nécessaire pour la toilette au lit.
Je pose tout sur l’adaptable et dit à ce monsieur : « monsieur je viens vous faire la toilette » Je libère ce monsieur de son sécuridrap et réalise entièrement la toilette. Je mobilise ce monsieur, l’assoie ce sur le fauteuil, le « contentionne » avec la ceinture pelvienne, lui rapproche l’adaptable sur laquelle je pose un livre et lui souhaite une bonne journée, je range tout et sors de la chambre.
Toute le restant de la matinée ce monsieur a été « agité » et j’ai amené régulièrement à retourner dans sa chambre.
Dans ma voiture sur le trajet de retour, je me sens mal et réalise que je suis passé à côté de ce Monsieur, que je l‘ai considéré comme un malade et non comme une personne.
Le lendemain matin lorsque j’arrive devant la chambre de ce monsieur, je décide de me comporter différemment. Je tape à la porte, attends, pas réponse je retape et entre, puis vais voir ce monsieur en lui demandant s’il a bien dormi, s’il est d’accord pour se lever, choisir sa tenue et aller faire sa toilette. Il me regarde étonné et se lève seul de son lit. Il choisi un tee-shirt et un caleçon et me suit dans la salle de bain. Là, je lui montre le gant de toilette et comment s’en servir. Toujours étonné, le monsieur m’imite et au final fait seul sa toilette, met sa protection urinaire seul et s’habille seul. Je lui propose de l’aider à ranger les affaires. Alors que je plie ses serviettes de bain, il vient me faire une bise sur le front.
Je me dis que ce serait bien de proposer à l’infirmière de réévaluer la contention au fauteuil de ce monsieur, après lui avoir expliqué comment s’était passer le « soin ». Après quelques échanges, elle finit par accepter. Je retourne dans la chambre, le monsieur est à côté du fauteuil et semble étonné que je ne le « contentionne » pas. Je lui propose de la lecture, mais il décide d’aller regarder par la fenêtre.
Je le remercie de son aide et lui dit « A tout à l’heure ». Il est 10H30, le soin a duré seulement 5 minutes de plus que la veille.
A 12h, alors que je commence le service des plateaux repas, j’entends une voix de femme qui vient de la chambre de ce monsieur s’exclamant : « mais qu’es ce qui t’arrive ?». A ce moment-là je me dis que je suis peut-être allé trop loin, que c’était sans doute trop pour une première fois, et que j’ai failli dans ma surveillance. En plus, ce monsieur très demandeur la veille, ne m’a pas du tout sollicité après la toilette de ce matin et même si je gardais un œil sur lui, je n’ai pas été assez vigilant. Quoiqu’il en soit, je me sens très mal, mais il faut assumer ! Je vais me présenter à cette dame. Lorsque j’arrive sur le pas de la porte de la chambre, elle est assise sur le bord du lit, le monsieur à côté d’elle. Je lui explique que j’ai aidé Monsieur le matin et lui demande s’il y a un problème. Elle me répond : « Je suis la fille de monsieur. Depuis des mois, peu après le diagnostic, il ne parle plus et là depuis 15 mn, nous discutons, je n’en reviens pas ! ». Je lui ai alors répondu, que c’était des moments dont il fallait profiter et que j’étais content pour eux qu’ils partagent cet instant agréable.
JP, aide-soignant.